15 December 2018

Dieu n'habite pas La Havane – Yasmina Khadra

Headings below are my own.

Aucun dieu à part le temps

— J’ai dû louper une prière, dis-je avec amertume à Panchito.

— Je n’en fais jamais et je me porte comme un charme.

Son apathie m’horripile.

— Est-ce qu’il t’arrive de croire en Dieu ?

Il ébauche une moue.

— Je ne crois qu’en un seul Dieu, unique et incontestable, celui qui fait et défait toutes choses en ce monde : le Temps. Et il ne reconnaît qu’un prophète digne de lui : le hasard.

Poésie et musique

Il s’agit d’une même thérapie sauf que le protocole que propose la poésie est différent de celui de la musique. Le poète nous inspire, le chanteur nous respire. Le poète nous éclaire , le musicien nous enflamme. C’est dans cette nuance que réside la singularité de celui qui dit et de celui qui chante. C’est une question d’ouïe, plus précisément du réglage de l’ouïe, du dosage de la concentration. On ne prête pas la même attention à un récital de poésie qu’à un concert de musique. On n’est pas là pour la même raison, même si dans les deux cas de figure, le but est le même : rechercher l’évasion. Le rapport à la poésie est plus intime. On est dans la quête tranquille de soi. Avec la musique, on adhère aux autres, on est dans l’élan et non dans la retenue, dans le don de soi et non dans sa quête. Les gens ne vont pas au concert chercher des vérités mais pour rompre avec elles. Ils réclament des paroles qui donnent envie de jeter au diable la réserve, de se soûler jusqu’à prendre une mouche pour un oiseau paradisiaque, de se foutre à poil en criant haut et fort : au diable les carrières et les révolutions. Avec la poésie, on réintègre son élément, on s’interroge sur le sens de la vie, on est rendu à la réalité du monde, on tente d’élucider certains mystères de cette même réalité, de percer la complexité des êtres et des choses…

Fabriquer son bonheur, regarder le monde tel qu’il est

Le malheur vient de la grossière erreur de voir le monde tel qu’on voudrait qu’il soit et non pas tel qu’il est. Prenez les choses comme elles viennent et tâchez de les apprivoiser car la seule vérité qui importe, c’est vous. Le bonheur, on ne le croise pas forcément par hasard sur son chemin, on peut aussi le fabriquer de ses mains.

Mettre une croix sur ce qui est fini

Si la rupture est possible, c’est la preuve que ce qui a compté pour nous ne relève pas de l’absolu. Nous sommes trop éphémères et trop fragiles pour réclamer l’absolu. Il est des choses qui nous dépassent. Les contester ne nous mènerait nulle part. Les traquer nous perdrait à jamais. Il faut mettre une croix sur ce qui est fini si l’on veut se réinventer ailleurs.

Fabrication de l’être aimé

En croyant mériter une femme unique au monde, je n’ai réussi qu’à la fabriquer de toutes pièces. Je l’ai magnifiée parce que je voulais être le plus heureux des amants. Mais je ne suis qu’un homme ordinaire dont j’ai forcé le trait, persuadé qu’à partir d’une lueur je créerais mon propre soleil et qu’avec l’amour en guise de levier j’élèverais un hypothétique abri au rang de mausolée.