30 March 2017

La Veille de presque tout – Victor del Arbol

Le mérite n’est pas de naître avec de beaux yeux, mais de les assortir au visage et de leur offrir le regard adapté.


Ibarra était un puits de patience où elle pouvait, pour une fois, déverser toute son amertume et son affliction.


Ce qui est près de se dire sans jamais se formuler se perd à tout jamais.


Parfois, il faut rester un temps éloigné du monde pour pouvoir y rester.


Le monde des désirs secrets est un paradis privé qui n’a pas d’explications à donner, à condition de ne pas dépasser les limites de la fiction.


Comment disparaît-on de soi-même ? Il n’y a qu’un moyen, même pas définitif. Les morceaux qui doivent être réunis se retrouvent, peu importe qu’ils aient été brisés en mille morceaux, ou qu’on les ait jetés loin les uns des autres. Maintenant, ou dans mille ans, tout recommence.


Les gens devraient apprendre à se mettre en paix avec eux-mêmes et avec leurs vices. Une personne qui nie ce qu’elle est ne peut pas être heureuse.


Comment Eva est-elle arrivée à ce degré de prostration, d’indolence vis-à-vis de son propre sort, c’est incompréhensible.


On me dit qu’il faut oublier, comme si on pouvait saisir les sentiments, les essorer et les jeter à la mer.


Cette apparence de génie désemparé, d’artiste injustement condamné à l’ostracisme, était justement ce qui l’avait séduite, et elle mettrait du temps à comprendre que ce désarroi n’était autre qu’une stratégie d’Antunes. Qui l’aidait à se supporter. Le prétendu tourment de son époux n’était pas le résultat d’une grande âme comprimée par un monde injuste envers ses génies, mais un malheur banal, dépressif, domestique et stérile. Et donc dépourvu de tout romantisme. Ses plaintes étaient vaniteuses ; ses doutes purement matériels ; son insatisfaction, un complexe à l’état pur. Quant à ses silences, existentialistes en apparence, c’étaient de simples vides sans réflexion.


Ils la saluent de loin et l’attendent. Ils souffrent pour elle, car les morts savent forcément des choses que les vivants ignorent. Dommage que les morts soient muets et que les vivants soient sourds. Ils auraient pu lui dire tant de choses, écarter d’elle tant de chagrins. Mais s’ils avaient pu la mettre en garde, Eva les aurait-elle écoutés ? C’est peu probable.